Ce qu'il y a de bon avec les manifestations sociales, c'est qu'elles nous donne l'heure exacte quant au stade d'évolution de notre société.
A preuve avec la dernière manifestation des étudiants québécois, les antagonistes de la situation tombent tour à tour dans la contradiction, dans le "mon père est plus fort que le tient" et, disons-le, parfois dans le "fuck you" à peine voilé.
Peut-on sincèrement croire à cette excitation sociale, porté par un ode à la puissante notion de démocratie, que notre société a atteint un niveau de maturité social digne de l'exemple? Que l'homme s'élève dans ce débat, bien au-dessus de l'animal?
Bon, et bien, voilà, c'est-à-dire que ... évidemment, la chose... bref...c'est très complexe me direz-vous.
C'est complexe de se parler? C'est complexe les notions d'équité et justice? Je ne pense pas.
Ce qui est complexe c'est d'élever le discours individuel au niveau de ces valeurs sociales fondamentales.
Si l'élévation ne prend pas, c'est simplement parce que l'homme est un individualiste justement. Son ego, son instinct de prédation l'empêche de devenir bien souvent autre chose qu'un guerrier à la recherche de pouvoirs additionnels.
Oui, les siècles de l'espèce humaine ont été peuplés de grands individus, les "Tout ce que je sais c'est que je ne sais rien", "I have a dream", et autres. Si l'extase de leur passage a marqué notre civilisation pour les temps à venir, comment expliquer que nous sommes encore aujourd'hui face à des débats qui finissent toujours à l'étage inférieure?
C'est le contexte d'incohérence chers amis. L'incohérence sociale est la seule explication plausible. Lorsqu'un individu ou un groupe d'individus ne ressentent plus la cohérence des messages sociaux les traversant, j'ai bien dit "ressentir" et non "expliquer" car il ne s'agit pas d'un exercice du néocortex, la crise est imminente, le volcan peut exploser en tout temps.
Comment croire un PDG d'organisation qui gagne 5 millions par année clamer en assemblée que les temps sont durs et qu'il faudra se serrer la ceinture. Je ne dis pas qu'il ne mérite pas cette somme mais comment convaincre son employé à 10$ de l'heure qu'il devra être patient et accepter aucune augmentation la prochaine année?
Une opération de charme peut être déployée et toucher l'équipe certes, mais dire qu'elle se trouve automatiquement mobilisé derrière la cause grâce à un beau discours serait en mettre un peu.
Au centre de la désaffection: l'incohérence, l’ampleur des écarts entre les classes sociales. Des écarts, il est naturel d'en retrouver dans notre société. C'est l'envergure des différences qui peut devenir malsaine.
Au temps des turbulences dans lequel nous sommes, personne ne croit plus vraiment à personne. Tout le monde a perdu ses références. On ne sait plus faire la part des choses. On en vient qu'à perdre son identité, à ne plus savoir ce que nous sommes réellement, chacun de nous comme être humain. On devient progressivement ignorant et passif. Ce qui est parfait d'autre part pour les acteurs de pouvoir.
Et cette emprise de l'incohérence sur nous, ce gèle de l'esprit, ce contrôle psychologique qu'elle impose n'existe que parce que la société, comme somme d'individus, a perdu son sens critique. Le fameux "Esprit critique" comme on le nomme en philosophie.
Seul un esprit critique aiguisé peut nous garantir de savoir toujours où nous nous positionnons, ce que nous souhaitons, ce que nous croyons être mieux pour l'homme et la société. L'esprit critique, c'est le compas de notre humanité.
Si voulez savoir où nous en sommes à ce sujet, prenez quelques instants pour réfléchir sur la réaction du professeur de philosophie du Cégep Limoilou qui a déclenché une manifestation d'étudiants durement interrompue par un corps policier.
Son entrevue à la radio de Radio-Canada a été, pour moi, très préoccupante. Elle a répété et martelé qu'elle était complètement découragé de constater l'absence de sens critique des policiers dans leur intervention.
Mais c'est elle, un professeur de philosophie qui est à l'origine d'un geste questionnable, qui n'a pas su s'élever au-dessus du débat. Si la philosophie en est rendu là dans notre société, et bien que nous reste-il pour combattre l'ignorance et l'incohérence.
Et l'ironie dans tout ça, c'est que la crise actuelle se fonde sur une menace de réduction de l'accessibilité à ... l'éducation supérieure.
Il me semble évident après tout ça qu'on en a plus que besoin!
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